Faut-il être prof ?

Dans l’imaginaire collectif, on pense souvent que les parents deviennent des «enseignants» pour leurs enfants. Or il n’en est rien. Les parents ne prétendent pas se substituer à des professionnels chargés de classes entières avec des programmes dans lesquels il convient de faire évoluer vingt enfants en même temps. 

En bref

Les parents qui instruisent à domicile ne sont pas des enseignants. Leur travail auprès des enfants s'apparente à celui d'un coach, d'un accompagnant et exige des compétences d'organisation et un tempérament proactif. 

Accompagnant avant tout

Les enseignants sont des professionnels qui doivent : suivre un programme annuel visant des objectifs annuels, s’assurer que la classe progresse de façon homogène malgré les profils différents des enfants, respecter un planning, faire en sorte que leur enseignement entre dans la grille horaire prévue et gérer la discipline. Ils doivent être aussi capables de répondre du tac au tac à toutes les questions concernant leur domaine d’enseignement, car la durée des cours est fixe.

Les parents eux, accompagnent leurs enfants dans leurs apprentissages et dans toutes les facettes de la vie quotidienne. Ils sont à leurs côtés pour décortiquer les notions complexes, s’assurer qu’elles sont comprises et surtout nourrir la curiosité naturelle des enfants qui ouvre le champ des apprentissages. Cette démarche d’accompagnement s’apparente à celle d’un coach.

Leur allié principal est le TEMPS qui permet de se consacrer à des apprentissages autant que nécessaire sans se soucier ni d’une grille horaire, ni de la gestion d’une discipline de classe, ni d’une homogénéité des progressions entre tous les enfants de la famille, ni même d’être experts dans un domaine. Les parents sont libres de s’adapter au rythme de leurs enfants et prendre le temps qu’il faut pour que les savoirs soient acquis. Ce n’est donc PAS LE MÊME METIER, même si parents et enseignants visent un même but : l’instruction des enfants.

Que dit la loi ?

Faut-il avoir une formation particulière pour prendre en charge l’instruction et l’éducation de leurs enfants ?

La loi n’exige pas de titre pédagogique ou de formation particulière. Plus que des compétences pédagogiques, l’instruction à domicile requiert de la part du ou des parents en charge de l’instruction des qualités d’organisation, un tempérament entreprenant et socialement proactif, des capacités à chercher et à traiter l’information, ainsi qu’une aptitude – en l’absence de recours à des pédagogues extérieurs – à réactiver ou activer ses propres connaissances.

Le temps — un allié de choix

Nous ne le dirons jamais assez, le TEMPS est l’élément clef de l’instruction à domicile. Concrètement, pour le parent, avoir le temps c’est pouvoir interrompre une activité pour se renseigner et rechercher l’information manquante, réorienter l’approche, chercher des supports didactiques, voire trouver une personne experte pour répondre aux questions

Cette attitude proactive et curieuse est recherchée et valorisée dans le monde de l’école à la maison. Elle constitue même le coeur de cette forme d’instruction, car elle véhicule l’idée que chacun peut s’instruire s’il est curieux et persévérant.

Le canton de Vaud dispose par ailleurs d’un réseau dense de parents connectés entre eux via le Forum IEF Romandie, la page Facebook, les groupes parentaux, les Centres d’activités et d’échanges spécifiquement conçus pour aider les parents dans leur mission d’éducation. Ces réseaux sont très prompts à offrir leur aide si on les sollicite.

Peu d’enfants à charge

Par ailleurs, les parents n’ont en charge que un, deux ou trois enfants en moyenne. Ils peuvent donc adapter leur planning au rythme de chacun d’entre eux, reprendre autant que nécessaire la matière pour s’assurer qu’elle a été comprise. Ils peuvent aussi créer leurs approches en fonction des forces et des faiblesses de leurs enfants qu’ils connaissent bien, varier les stratégies ou les pédagogies, voire les mixer en fonction de ce qui est le plus efficace. 

Exemples d’organisation

Voici quelques témoignages de parents qui racontent de quelle façon ils s’organisent au quotidien et comment ils décrivent leur approche.

Les approches formelles” ou informelles” sont des désignations couramment utilisées par les parents. Elles signifient schématiquement ceci :

  • formelle : démarche d’apprentissage scolaire — ex : suivre un cours de solfège ou de piano pour étudier la musique.
  • informelle : démarche d’apprentissage par immersion — ex : faire partie d’un groupe de musique pour étudier la musique.

1. Formelle et basée sur l’école publique vaudoise :

On a pu se procurer des cahiers et des livres de l’école, mais nous savons que c’est une situation rare, car normalement les enfants rendent les livres en quittant l’école publique et l’Etat ne fournit pas de matériel. On les a eu par des relations personnelles. Les enfants les ont suivi plus ou moins, complétés par d’autres ouvrages. On a aussi fait appel à une prof d’allemand à la retraite. Après son premier choc que l’IEF soit permise, elle s’est portée volontaire pour aider avec l’allemand. Ainsi notre fille aînée a pu passer les examens d’entrée au gymnase avec succès.

2. Formelle avec réseau de parents :

Nous pratiquons l’école à la maison avec plusieurs familles. Toutes les mamans ainsi que quelques papas proposent de travailler des matières selon leurs compétences et leurs disponibilités.

3. Informelle avec fréquentation d’un centre :

Une à deux fois par semaine nous passons la journée entière dans un centre de rencontre pour les familles IHES (jusqu’à fin 2017 FEEL, et maintenant Ecolibre). Cela nous apporte beaucoup de soutien, d’amitiés et de liens constants. Le partage de connaissances à travers des ateliers proposés par les familles apporte un environnement très riche et solidaire. […] Nous ne pourrions pas nous imaginer continuer l’école à domicile sans être en réseau avec d’autres familles et partager du temps ensemble.

4. Informelle par le biais de la lecture :

La pédagogie que j’ai choisie privilégie l’acquisition d’une grande culture générale grâce à une large partie de la journée consacrée à la lecture. Dans les domaines scientifiques et mathématiques, l’exploration et l’expérimentation sont mises en valeur.

5. Informelle complète :

La première année d’IEF avec notre aîné a été très inspirée de l’approche montessorienne. Mais très vite cette organisation a montré ses limites.
C’est ainsi que tout en gardant l’esprit d’observation de l’enfant, et en favorisant son autonomie et sa curiosité par un environnement riche et adapté, nous nous sommes éloignés d’une quelconque structure scolaire pour suivre les intérêts de notre enfant, répondre à toutes ses questions et l’aider dans ses projets. Un travail de lâcher prise et de confiance pour ne plus nourrir des peurs a été un processus de plusieurs années. Toute la fraterie en a ensuite profité avec beaucoup plus de sérénité. Nos deux aînés sont maintenant grands et on a pu constater que quasiment tous les apprentissages demandés par le PER étaient acquis spontanément, pour la plupart de manière informelle, et parfois formelle sur la demande de l’enfant, mais pas dans le même ordre ni aux mêmes âges que la norme. Nos enfants savent parfois des choses plusieurs années en avance et parfois beaucoup plus tard. Mais dans tous les cas ces apprentissages sont profonds car ils ont toujours été acquis dans une période de vrai intérêt de nos enfants. Notre disponibilité et notre observation doivent par contre toujours être très développées pour déceler des difficultés d’apprentissage qui pourraient se cacher derrière des manques de motivation.

6. Mixte avec fréquentation d’un centre :

Les enfants ont un certain nombre d’ateliers réguliers au centre FEEL (atelier d’écriture, découverte de l’allemand, sciences, projets collectifs. […] Nous leur préparons du travail formel à faire chaque semaine (français, math) de façon autonome. Lorsqu’un sujet est maîtrisé, nous introduisons une nouvelle notion. […] Souvent nous leur présentons plusieurs sujets différents et ils choisissent lequel ils veulent faire. […] Les enfants ont souvent des envies autour desquelles nous construisons : étudier l’origine de l’homme, projets artistiques… Avoir moins de contraintes organisationnelles fait que nous pouvons profiter d’occasions qui se présentent (visites, rencontres, activités proposées dans le cadre de FEEL…).

7. Mixte avec pédagogie de projet :

Nous avons créé un « livre de projets » avec notre enfant, et environ 4 fois par année, on note toutes les choses qu’il aimerait accomplir, comprendre, apprendre, découvrir. On énumère pour chaque point, toutes les activités et possibilités d’atteindre ces objectifs et vivre ces expériences. Puis on s’organise avec l’enfant pour avancer dans ces projets. Les apprentissages formels et informels sont alors présents et sont complémentaires. Cette année, notre garçon de 10 ans avait, entre autre pour objectif de savoir mieux écrire, sans fautes. Alors nous avons élaboré ensemble un planning hebdomadaire d’école formelle pour travailler le français. En 7 mois, à raison de deux demi-journées par semaine, il a rattrapé tout le programme théorique de 2 – 3 années scolaires de grammaire / conjugaison.

8. Mixte avec apprentissages libres et voyage 

C’est durant notre voyage en famille d’une année, effectué entre 2016 et 2017, que nous avons décidé ensemble de poursuivre l’école à la maison. Accepter les contraintes et les modèles (d’apprentissage et de société) transmis par le système scolaire aurait été tout simplement impossible après une année passée dans la nature au rythme du temps, des saisons et du soleil. Ce voyage nous a indiqué le chemin d’une vie plus simple. […] Notre système est en constante évolution. Nous oscillons entre des apprentissages formels, des projets (construction d’un poulailler…), des approfondissements de thèmes (l’eau…), des activités et rencontre de toutes sortes en fonction des intérêts de chacun.

9. Mixte avec cours par correspondance et des supports électroniques :

Nous pratiquons le Self Directing Learning. Notre premier enfant souhaite suivre des cours par correspondance avec Clonlara School afin d’obtenir un International Accredited High School Diploma, et parce que la démarche de cette école online lui plaît.

Notre deuxième enfant a appris à lire avec un soutien sérieux, des aides visuelles, comme la Dyslexie Font et les supports électroniques, […] afin de ne pas être pénalisé par ses difficultés neurovisuelles.

10. Approche ultra individualisée :

Le cerveau de notre fille travaillant par images, l’enseignement habituel s’avère inadapté. Toute notion abstraite doit être reliée à des images, les notions complexes doivent être décortiquées de manière systématique et tout apprentissage doit être abordé par mind mapping pour corroborer sa réflexion en arborescence.