Projet de révision de la loi - LEPr 2024

Le Département de la formation (DEF) a déposé en juillet 2024 son projet de révision de la loi sur l'enseignement privé(LEPr), afin de modifier la loi du 12 juin 1984 sur l'enseignement privé. Cette révision viendra modifier le cadre légal vaudois actuel.

 

Vous trouverez le texte qui concerne spécifiquement l'instruction à domicile ci-après.

En bref

Révision de la loi 2024 :  ce qui va changer et texte complet.

Qu’est-ce qui change ?

Pour les familles IEF, l’élément le plus frappant de ce projet de loi sera le passage d’un régime DÉCLARATIF (on annonce sa décision de se charger de l’instruction de ses enfants) à un régime d’AUTORISATION (on demande aux autorités la permission d’accéder à ce mode d’instruction). 

Durcissement du cadre :

  • l’enfant et la personne en charge de plus de la moitié de l’instruction doivent être valablement domiciliés sur le canton.
  • la personne en charge de plus de la moitié de l’instruction doit prouver sa disponibilité pour mettre en oeuvre un programme d’enseignement fourni en amont au service.
  • la personne en charge de plus de la moitié de l’instruction doit prouver son niveau de formation : ce niveau n’est pas inscrit dans la loi, mais dans le règlement d’application, donc pourra en tout temps être modifié par le service (le règlement prévoit un niveau secondaire II ou titre jugé équivalent).
  • le programme d’enseignement doit tenir compte” du programme de référence, ce qui signifie suivre le Plan d’Etude Romand à la lettre, fournir un grille horaire et s’en tenir à la progression année après année du plan d’étude.
  • la nécessité de fournir un programme d’enseignement en amont
  • la limitation de la sortie de l’école à deux moments par année scolaire.
  • La reconnaissance officielle de la possibilité d’enseigner dans une autre langue principale que le français pourrait constituer une avancée, MAIS malheureusement en contradiction avec la logique du suivi du PER à la lettre.

Pour les familles qui font l’IEF depuis 3 ans

  • le niveau de formation n’est pas requis pour l’instruction de ses propres enfants jusqu’à la fin de leur cursus.

Imprimer le texte officiel

Projet de loi 2024 — partie concernant l’instruction à domicile 

LE GRAND CONSEIL DU CANTON DE VAUD vu la loi du 7 juin 2011 sur l’enseignement obligatoire (LEO)- vu le règlement du 2 juillet 2012 d’application de la loi du 7 juin 2011 sur l’enseignement obligatoire (RLEO- vu l’ordonnance du 19 octobre 1977 sur le placement d’enfants (OPE) — vu la loi du 4 mai 2004 sur la protection des mineurs (LProMin) vu la loi du 20 juin 2006 sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) vu le projet de loi présenté par le Conseil d’Etat décrète

Article Premier

1. La loi du 12 juin 1984 sur l’enseignement privé est modifiée comme il suit :

Art. 1 Champ d’application

1. La présente loi s’applique à toutes les écoles et institutions privées recevant sur le territoire cantonal des élèves en âge de scolarité obligatoire (ci-après : les écoles privées), quelles que soient la nature de l’enseignement et la façon dont il est dispensé.

2. Elle règle également l’enseignement à domicile dispensé aux enfants soumis à l’obligation scolaire au sens de l’article 54 de la loi du 7 juin 2011 sur l’enseignement obligatoire (ci-après : LEO).

3. Ne relèvent pas de la présente loi les établissements de pédagogie spécialisée au sens de la loi du 1er septembre 2015 sur la pédagogie spécialisée (LPS) et les écoles intégrées dans des organismes privés reconnus régis par la loi du 4 mai 2004 sur la protection des mineurs (ci- après : LProMin).

(articles 2 à 8 omis — concernent les écoles privées)

Art. 9 Autorisation d’enseignement à domicile

1. L’enseignement à domicile est soumis à autorisation du service pour chaque enfant concerné.

1bis. L’autorisation est délivrée pour le début d’un semestre. Le règlement définit les délais de dépôt de la demande.

1ter. Exceptionnellement, le service peut accorder une autorisation en tout temps. Dans ce cas, il peut émettre des autorisations provisoires après un examen sommaire des conditions dans un délai maximum de 20 jours, hors vacances scolaires.

1quater. La demande d’autorisation est renouvelée chaque année. Le règlement peut prévoir des renouvellements automatiques.

2. Abrogé.

3. Dès qu’un enseignement à domicile concerne plus de six enfants, les dispositions de la présente loi relatives aux écoles privées s’appliquent. Est réservée la situation de fratries ou d’enfants issus de familles recomposées excédant 6 membres.

Art. 9a Conditions pour enseigner à domicile

1. L’autorisation d’enseignement à domicile peut être délivrée si :

a. l’enfant réside ou est domicilié valablement dans le canton ;

b. une personne est en charge d’au moins la moitié de l’instruction et :

  • 1. réside ou est domiciliée valablement en Suisse ou dispose du droit d’y exercer une activité lucrative ;
  • 2. a un niveau de formation suffisant tel que défini dans le règlement ;
  • 3. démontre la disponibilité suffisante pour veiller à la bonne mise en œuvre du programme complet d’enseignement prévu.

c. le programme d’enseignement tient compte des programmes officiels de l’école publique vaudoise et des objectifs globaux d’apprentissage. Il tend à garantir l’acquisition de connaissances, à développer la réflexion dans une logique de distance critique permettant d’identifier les faits établis ou notions communément admises, ainsi qu’à distinguer ces derniers des valeurs et des croyances de chacun ;d. le programme d’enseignement prend en compte les programmes officiels. Il tend à garantir l’acquisition de connaissances, à développer la réflexion dans une logique de distance critique permettant d’identifier les faits établis ou notions communément admises, ainsi qu’à distinguer ces derniers des valeurs et des croyances de chacun ;

d. le français est enseigné en langue seconde, lorsqu’il n’est pas la langue principale de l’instruction ;

e. l’instruction est adaptée pour tenir compte des enfants concernés, en particulier ceux ayant des besoins éducatifs particuliers relevant de la pédagogie spécialisée ; les objectifs peuvent être adaptés pour l’enfant qui n’est pas en mesure d’atteindre ceux du programme d’enseignement, pour autant que cela soit validé par le service ;

f. des mesures sont prévues en vue de socialiser l’enfant avec des pairs, en dehors du cercle familial.

2. Le détenteur de l’autorité parentale qui engage ou mandate une personne en charge de l’instruction peut demander au département s’il ne figure pas sur la liste intercantonale des enseignants auxquels a été retiré le droit d’enseigner prévue à l’article 12bis A‑RDFE.

3. Les programmes d’enseignement à distance ne dispensent pas des conditions prévues dans la présente loi et dans son règlement d’application.

Art. 9b Surveillance de l’enseignement à domicile

1. Le service a le droit d’obtenir tout renseignement utile concernant notamment l’organisation et le contenu du programme d’enseignement. Il peut procéder à des visites. Le détenteur de l’autorité parentale est tenu de collaborer de manière diligente.

2. Le service procède à l’évaluation des connaissances et des compétences scolaires des enfants, au besoin par des examens.

3. L’autorisation peut en tout temps être retirée si l’une des conditions d’octroi n’est plus remplie. A moins de grave dysfonctionnement, le service fixe d’abord un délai pour corriger l’insuffisance constatée. Le détenteur de l’autorité parentale et l’enfant peuvent être entendus.

Art. 10 Plateformes de coordination

1. Le service institue et participe à des plateformes de coordination qui ont notamment pour missions :

a. de renforcer la collaboration entre le service et les représentants des écoles privées, respectivement des associations représentatives des parents responsables de l’enseignement à domicile pour leur enfant ;

b. de garantir la circulation de l’information ;

c. de consulter les milieux concernés sur toute évolution envisagée du dispositif légal, ainsi que sur sa mise en œuvre ;

d. de travailler en commun à l’analyse des questions de portée générale et de collecter les besoins exprimés par les différents participants.

2. abrogé.

3. Les plateformes de coordination se réunissent au moins une fois par année.

Art 14a. Dispositions transitoires

6. e parent qui dispense plus de la moitié des cours à son enfant scolarisé à domicile depuis au moins 3 ans au moment de l’entrée en vigueur de la loi du est réputé remplir les conditions de l’article 9a, alinéa 1, lettre b, chiffre 2 jusqu’au terme du cursus de ses propres enfants.

7 L’enseignement à domicile annoncé avant l’entrée en vigueur de la loi du est régi, pour l’année scolaire concernée, par la loi en vigueur au moment de l’annonce.

Rapport explicatif

A savoir

Ce texte précède les articles de loi. Il a pour objectif de les situer dans leur contexte, en définir les buts et les enjeux, et surtout en détailler le contenu. Ce texte permet de comprendre l’esprit qui sous-tend cette loi.

Pour connaître le texte concernant uniquement les écoles privées, il faut télécharger le projet de loi complet.

Introduction

A teneur de l’article 36, alinéa 3 de la Constitution vaudoise (Cst-VD ; BLV 101.01), la liberté de choix de l’enseignement est reconnue. La loi du 7 juin 2011 sur l’enseignement obligatoire (LEO ; BLV 400.02) le précise en prévoyant à son article 54 le droit et le devoir des parents d’instruire leur enfant, selon trois modes possibles de scolarisation : dans un établissement public, dans une école privée ou à domicile. Ces deux derniers cas constituent l’enseignement privé, qui est soumis à la surveillance générale du département en charge de l’enseignement (ci-après : le département), comme le stipule l’article 21 de la LEO.

Dans plusieurs cantons romands, cette surveillance s’est traduite par l’introduction d’un régime d’autorisation. C’est le cas par exemple du canton de Genève, qui délivre une autorisation d’exploiter aux écoles privées, ou des cantons de Fribourg et du Valais, qui connaissent un régime d’autorisation pour l’enseignement à domicile exigeant des parents qu’ils détiennent un titre pour l’enseignement reconnu par la Conférence des directrices et des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP)1.

Le cas du Canton de Vaud se caractérise, à l’inverse, par un cadre très peu défini, (ce lien d’IEL-VD met en lumière nos interrogations) qui est resté fondamentalement inchangé depuis 1984. Le but de la présente révision est donc d’actualiser le cadre légal régissant de manière spécifique l’enseignement privé dispensé aux enfants en âge de scolarité obligatoire, aussi bien en ce qui concerne les écoles privées que l’enseignement à domicile.

Ce projet porte ainsi sur la modification de la loi du 12 juin 1984 sur l’enseignement privé (LEPr ; BLV 400.455). La révision de ce dispositif légal s’inscrivait dans le volet du programme de législature du Conseil d’Etat 2017 – 2022 (mesure 1.4) qui promeut le développement de la vie commune en société, la défense de l’ordre juridique et démocratique ainsi que les valeurs de l’Etat de droit. Il s’agit d’abord de mieux s’assurer de la qualité de l’instruction dispensée, afin de tendre à assurer que tous les élèves aient pu bénéficier, à l’issue de leur scolarité obligatoire, d’un enseignement propre à garantir l’acquisition de connaissances, à développer la réflexion dans une logique de distance critique permettant d’identifier les faits établis ou notions communément admises, ainsi qu’à distinguer ces derniers des valeurs et des croyances de chacun, et ce, en tenant compte des programmes de référence de l’école publique vaudoise et des objectifs globaux d’apprentissage. La révision vise en outre à protéger l’enfance et la jeunesse contre les emprises religieuses ou sectaires mettant en cause les chances d’intégration sociale.

Dans l’intérêt des enfants qui ne sont pas scolarisés dans des établissements publics, cette révision doit permettre de mettre en place une surveillance plus étroite de ces variantes d’enseignement.

L’avant-projet de loi a été mis en consultation du 1er juillet au 5 septembre 2021. Le retour de consultation était globalement positif (ce lien d’IEL-VD met en lumière nos interrogations). Il ressort en substance qu’une majorité de répondants salue le principe d’une révision de la loi. Les réponses aux deux questions d’ordre général, qui tendaient à une appréciation globale de la pertinence de l’avant-projet et de son adéquation aux objectifs visés, montrent que les modifications proposées dans celui-ci sont apparues suffisantes tant pour garantir la qualité de l’instruction dispensée que pour garantir la protection des enfants contre les emprises religieuses ou sectaires.

Présentation du projet

2.1 Objet

Le cadre que connaît le Canton de Vaud en matière d’enseignement privé est très peu défini et reste fondamentalement inchangé depuis 1984. Dans l’intérêt des enfants qui ne sont pas scolarisés dans des établissements publics, la révision proposée ici doit permettre de mettre en place une surveillance plus étroite de ces variantes d’enseignement. Il s’agit d’abord de mieux s’assurer de la qualité de l’instruction dispensée, notamment en posant des conditions en amont sur le programme d’enseignement posé et sur les compétences des personnes en charge de l’instruction et en procédant par la suite à des contrôles. La révision vise également à protéger l’enfance et la jeunesse contre les emprises religieuses ou sectaires mettant en cause les chances d’intégration sociale.

2.2 Contexte actuel

2.2.2 Scolarisation à domicile

Pour ce qui est de l’enseignement à domicile, on constate une augmentation considérable du nombre d’enfants concernés dans le canton de Vaud, ce qui résulte notamment du fait que certaines familles de cantons environnants, voire désormais de France voisine, déménagent sur sol vaudois pour profiter de la liberté qu’offre le cadre légal.

A cet égard, la Direction générale de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée (DGEO) enregistre une augmentation annuelle d’environ 20% des cas d’enseignement à domicile dans le canton depuis 2013 (de 220 en 2013 à 960 en 2023). Par ailleurs, si la courbe du nombre d’enfants bénéficiant de l’enseignement à domicile avait commencé à fléchir en 2019, elle a repris sa progression à la suite de la crise sanitaire (COVID-19), soit un accroissement annuel de 20%.

1 Les écoles privées avec internat doivent obtenir une autorisation d’exploiter délivrée par la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), mais celle-ci ne concerne pas, à l’heure actuelle, les aspects scolaires.

2 La pratique du département est toutefois d’exiger un niveau minimal de formation, notamment sur les plans pédagogique (au primaire) et académique (au secondaire).

3

Actuellement, l’accès à l’enseignement à domicile repose uniquement sur une déclaration des parents annonçant leur décision à l’établissement scolaire du lieu de domicile. L’enfant est alors sorti de l’école publique sans délai, sans qu’un projet pédagogique cohérent n’ait été nécessairement construit ou des moyens d’enseignement acquis.

En conséquence, il est aujourd’hui très difficile de garantir que tous ces enfants disposent d’un encadrement scolaire adéquat, puisqu’en général un unique contrôle annuel est effectué par le département et qu’il se limite à l’appréciation d’un enseignement suffisant. Seul le constat d’une insuffisance grave et durable permet au département de décider d’une scolarisation dans un établissement public.

2.3 Retour de consultation

Des représentants de l’Association vaudoise des écoles privées (AVDEP) et du Collectif IHES (instruction hors établissement scolaire), ont été approchés et leur avis a été pris en compte dans le cadre de l’avant- projet avant même qu’il soit soumis en consultation. Le département a mené par ailleurs une large consultation qui a duré du 1er juillet au 5 septembre 2021.

Cette consultation ciblée a été adressée à toutes les écoles privées et les faîtières, aux associations de parents d’élèves, aux écoles privées, mais aussi aux syndicats et partis politiques. Elle a été par ailleurs adressée aux services de l’Etat principalement concernés et aux secrétariats généraux. Les textes ont enfin été publiés sur le site de l’Etat de Vaud, afin de permettre à toute entité ou personne intéressée de s’exprimer.

Il ressort en substance de cette consultation qu’une majorité de répondants salue le principe d’une révision de la loi. Les réponses aux deux questions d’ordre général, qui tendaient à une appréciation globale de la pertinence de l’avant-projet et de son adéquation aux objectifs visés, montrent que les modifications proposées dans l’avant- projet apparaissaient suffisantes pour garantir tant la qualité de l’instruction dispensée que la protection des enfants contre les emprises religieuses ou sectaires.

L’enjeu principal réside dans l’équilibre à trouver afin de garantir une certaine souplesse propre à une réelle reconnaissance de ces modes alternatifs de solarisation tout en posant des cautèles pour permettre un enseignement de qualité et, le cas échéant, un retour à l’école publique dans les meilleures conditions possibles.

À la suite des rencontres avec les représentants des associations et au retour de consultation, le projet de loi intègre les éléments suivants :

  • une rédaction plus complète et correcte de la cautèle visant à fonder les programmes sur des « réalités scientifiquement reconnues » : il est précisé que ces programmes doivent être propres à garantir l’acquisition de connaissances, à développer la réflexion dans une logique de distance critique permettant d’identifier les faits établis ou notions communément admises, ainsi qu’à distinguer ces derniers des valeurs et des croyances de chacun ;
  • la suppression de la possibilité de percevoir des émoluments pour l’autorisation d’enseignement à domicile ; le gain pour l’Etat est moindre au regard du travail administratif que cela nécessite, étant entendu par ailleurs que ces élèves scolarisés à domicile représentent une diminution de charge pour l’Etat et les communes ;
  • une adaptation du vocabulaire en mentionnant « l’enseignement » (et non « la scolarisation ») à domicile pour se calquer sur la LEO et en privilégiant le terme « instruire » à celui « d’enseigner » afin de correspondre à toutes les formes possibles et alternatives d’acquisition des connaissances qui peuvent être mises en place ;
  • la bisannualité du dépôt de la demande d’autorisation (fin octobre pour janvier, à fin mars pour août / à mi-mai pour les renouvellements), ainsi que le renouvellement sans instruction des autorisations en cours de cycle, à moins de dysfonctionnement avéré ;
  • la possibilité d’autorisation provisoire en cas de demande hors de ces délais, dans les cas exceptionnels ;
  • une cautèle pour éviter la scolarisation à domicile en cas de parents clandestins qui engageraient des précepteurs domiciliés, eux, en Suisse ; il est ainsi prévu ainsi que l’enseignement à domicile ne soit envisageable que si l’enfant réside ou est domicilié valablement dans le Canton de Vaud.

Pour faciliter le retour relativement fréquent dans l’enseignement public (environ 500 par an, dont la grande majorité aux cycles 1 et 2 en provenance des écoles privées), il est prévu d’exiger que l’allemand et l’anglais figurent au programme d’enseignement. Pour les écoles privées, l’introduction des langues secondes avec un décalage de 2 ans par rapport au PER, soit dès la 7P, respectivement la 9S, est admise. Il est reconnu, dans tous les cas, qu’il pourra être tenu compte des difficultés des enfants et que les objectifs pourront être adaptés individuellement en conséquence, notamment pour les langues étrangères.

Il a en revanche été décidé de ne pas donner suite à la demande des associations de parents offrant l’instruction à domicile de supprimer le régime de l’autorisation, parce que celui-ci constitue la cautèle nécessaire et indispensable pour atteindre les objectifs susmentionnés du projet de modification de loi.

2.4 Principales évolutions prévues dans la loi modifiant la loi sur l’enseignement privé

2.4.2 Enseignement à domicile

La principale mesure prévue pour renforcer le dispositif de surveillance de l’enseignement à domicile consiste à introduire un régime d’autorisation pour le retrait d’un enfant de l’école obligatoire publique au profit de l’enseignement à domicile, de même qu’en cas de choix de cette modalité d’enseignement dès le début du parcours scolaire. Les parents demandeurs doivent obtenir une autorisation préalable du service en charge de l’enseignement obligatoire (ci-après : le service), valable pour le début d’un semestre. Exceptionnellement, le service peut accorder une autorisation pour le semestre en cours.

Cette autorisation est octroyée lorsque les conditions suivantes, fixées par le projet de loi et précisées par son futur règlement d’application, sont remplies :

  • l’enfant réside ou est domicilié valablement dans le canton de Vaud ;
  • toute personne qui est en charge de plus de la moitié de l’instruction réside ou est domiciliée valablement en Suisse ou dispose du droit d’y exercer une activité lucrative. Elle a un niveau de formation suffisant défini par le règlement, à savoir un titre du secondaire II ou jugé équivalent. Elle fait preuve d’une disponibilité suffisante pour veiller à la bonne mise en œuvre du programme complet d’enseignement prévu ;
  • l’instruction est adaptée pour tenir compte des enfants concernés, en particulier de ceux ayant des besoins éducatifs particuliers relevant de la pédagogie spécialisée ; des adaptations sont envisageables au cas où elles sont nécessitées par les difficultés avérées des enfants (et non dues à des lacunes de l’instruction), dans ce cas, le service doit avoir validé les adaptations par rapport aux objectifs des programmes officiels :
  • le programme d’enseignement prend en compte les objectifs des programmes officiels. Il tend à garantir l’acquisition de connaissances, à développer la réflexion dans une logique de distance critique permettant d’identifier les faits établis ou notions communément admises, ainsi qu’à distinguer ces derniers des valeurs et des croyances de chacun
  • lorsque la langue principale d’instruction n’est pas le français, le programme doit inclure l’instruction du français langue seconde ;
  • des mesures sont prévues en vue de socialiser l’enfant avec des pairs, en dehors du cercle familial.

L’autorisation doit être renouvelée annuellement. Le renouvellement pourra être automatique, principalement en cours de cycle. L’autorisation peut en tout temps être limitée, assortie d’un délai pour corriger une insuffisance constatée ou retirée si l’une des conditions d’octroi n’est plus remplie. A moins de graves dysfonctionnements, le service pose d’abord un délai pour corriger l’insuffisance constatée. Dans ce cadre, le détenteur de l’autorité parentale et l’enfant peuvent être entendus.

Il est prévu la possibilité d’effectuer des demandes d’autorisation deux fois par an pour le début d’un semestre, ainsi qu’un régime d’autorisation provisoire pour les cas exceptionnels où la demande de scolarisation parvient hors délai et nécessite un traitement urgent (voir le commentaire de l’article 9, alinéa 1ter, ci-après).

A relever finalement que, par souci de cohérence, l’article 40 du règlement du 2 juillet 2012 d’application de la LEO (RLEO ; BLV 400.02.1) traitant de l’enseignement à domicile sera abrogé.

2.4.3 Plateformes de coordination

La commission consultative de l’enseignement privé a pour principale fonction de préaviser les demandes d’autorisation d’enseigner. Celles-ci disparaissant, cette commission sera remplacée par des plateformes de coordination qui seront instituées pour réunir le service et les représentants des écoles privées, respectivement des associations de parents scolarisant leur enfant à domicile. Leur but sera notamment de renforcer la collaboration et de favoriser la circulation de l’information entre les acteurs.

Il est par ailleurs tout à fait envisageable que des projets pédagogiques soient menés conjointement, sur le plan local, entre un établissement scolaire public et une école privée.

2.4.4 Dispositions transitoires

Le projet de loi modifiant la LEPr prévoit des dispositions transitoires liées à l’introduction du nouveau dispositif pour les écoles existantes, tant sous l’angle de l’obtention d’une autorisation d’exploiter que sous l’angle des compétences professionnelles auxquelles devront dorénavant répondre les enseignants et leur direction.

De même, un régime transitoire s’appliquera à certaines situations d’enseignement à domicile en cours au moment de l’entrée en vigueur de la révision du cadre légal. La loi actuelle s’appliquera en particulier à toutes les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la présente modification.

Commentaire article par article

Article 1er Champ d’application
De manière générale, le champ d’application reste inchangé. Deux précisions sont toutefois apportées.

D’une part, le terme d’établissement de pédagogie spécialisée est introduit afin d’être conforme à la terminologie de la loi du 1er septembre 2015 sur la pédagogie spécialisée (LPS ; BLV 417.31). Cette disposition précise également que les écoles intégrées dans des organismes privés reconnus régis par la loi du 4 mai 2004 sur la protection des mineurs (LProMin ; BLV 850.41) ne relèvent pas de la présente loi ; ces établissements étant subventionnés, ils sont soumis à la haute surveillance de l’Etat à ce titre.

D’autre part, cette disposition précise le champ d’application territorial pour les écoles privées, à savoir lorsqu’elles scolarisent des élèves sur sol vaudois, indépendamment du lieu de leur siège, ainsi que le champ d’application personnel pour les enfants bénéficiant de l’enseignement à domicile, à savoir ceux qui entrent dans le cadre de l’obligation scolaire prévu par la LEO.

Article 9 Autorisation d’enseigner à domicile

L’introduction d’un régime d’autorisation vise à mieux garantir que l’obligation scolaire est respectée – c’est-à- dire que chaque enfant reçoit une instruction lui permettant de développer son potentiel et de s’insérer ainsi socialement, et à terme, professionnellement – et corollairement à diminuer les situations à risque. Les parents qui choisissent cette modalité d’enseignement doivent ainsi démontrer a priori qu’ils ont un projet cohérent et construit, tenant compte des exigences légales et des programmes officiels ; actuellement, cette analyse se fait a posteriori, dans le cadre d’un processus de surveillance qui peut prendre un certain temps, au détriment de l’intérêt de l’enfant.

Le fait de limiter, à l’alinéa 1bis, l’octroi de l’autorisation de scolariser à domicile pour le début d’un semestre (hors situations exceptionnelles) – en respectant les délais fixés dans le règlement – repose sur la volonté d’éviter les retraits intempestifs dans des situations de conflit école-famille ainsi que des allers-retours entre école publique et scolarisation domicile, qui provoquent une scolarité discontinue. Ces délais imposés aux parents leur laissent également un temps de réflexion, lequel semble nécessaire avant de prendre une décision susceptible d’avoir des répercussions importantes sur leur enfant et leur permet de se préparer en conséquence.

Il est prévu de fixer au 30 mars, respectivement au 30 octobre, le délai pour déposer les premières demandes, et au 15 mai pour les demandes de renouvellement.

Des autorisations exceptionnelles d’enseignement à domicile en cours de semestre sont envisageables selon l’alinéa 1ter : elles concernent principalement les emménagements dans le canton, les projets de voyages de longue durée ou les cas de maladie attestés par un certificat médical. Pour les autres cas de figure, notamment lors de champs de tension, les articles 22 de la LEO et 16 RLEO concernant les bons offices ont vocation à s’appliquer. Ces autorisations sont données sous forme d’autorisations provisoires dans les 20 jours après examen sommaire des conditions. L’autorisation définitive sera alors, le cas échéant, établie suite à l’examen complet des conditions lors de la demande de renouvellement.

D’autre part, la validité de l’autorisation étant limitée à une année scolaire, les parents sont tenus, comme c’est le cas actuellement, de confirmer leur projet de poursuite de l’enseignement à domicile de leur enfant pour l’année suivante (alinéa 1quater). Ce point est très utile au service et aux établissements scolaires dans leur organisation et leur fonctionnement.

A noter que seule la première demande de renouvellement et celle de chaque début de cycle feront l’objet d’une instruction complète. L’autorisation sera renouvelée de façon automatique pour toutes les autres demandes, à moins que des insuffisances aient été identifiées lors des visites.

Concernant les demandes pour les enfants d’une même fratrie, les autorisations sont accordées en tenant compte du projet global, pour autant que l’instruction tienne compte de l’âge et des éventuelles difficultés particulières de chacun des enfants.

De plus, le traitement de toutes les demandes directement par le service permet une centralisation qui assure davantage de cohérence cantonale et une simplification dans la gestion administrative des demandes. Par contre, l’information des communes – qui génère une charge administrative importante pour les établissements — n’est plus nécessaire, puisque ce sont les établissements scolaires qui sont désormais responsables du contrôle de l’obligation scolaire.

Enfin et selon l’alinéa 3, la limite du nombre de 6 élèves maximum pour permettre l’enseignement à domicile doit être assouplie en cas d’enseignement à domicile à des fratries ou des enfants issus de familles recomposées dont les membres excèdent 6 enfants – ceci afin de ne pas pénaliser les familles nombreuses.

Article 9a Conditions pour enseigner à domicile

Cet article pose, principalement à l’alinéa 1, les conditions auxquelles doivent satisfaire les parents pour pouvoir instruire leur enfant à domicile, afin de garantir, d’une part, une qualité d’instruction suffisante et, d’autre part, un contexte qui n’entrave pas son développement, sa socialisation, son intégration dans son environnement ou sa future insertion professionnelle.

La possibilité d’enseigner à domicile est limitée aux situations où l’enfant réside ou est domicilié valablement dans le Canton de Vaud. Il convient ici d’éviter que ce mode d’enseignement ne soit mis en place dans des situations familiales particulièrement fragiles et pour lesquelles une scolarisation dans un établissement public apparaît souhaitable afin de favoriser l’intégration de l’enfant. Par ailleurs, la personne en charge de plus de la moitié de l’instruction doit résider légalement en Suisse ou être autorisée à y travailler : par exemple, dans le cas où des frontaliers seraient engagés par les parents. Le principe d’une formation minimale de la personne chargée principalement de l’instruction est posé par analogie à ce qui est demandé aux enseignants des écoles privées. Ces exigences seront précisées dans le règlement. Elles seront moindres par rapport à celles prévues pour l’enseignement en école privée. En effet, lors d’enseignement à domicile, il n’y a pas à gérer la complexité et l’hétérogénéité d’une classe. Toutefois, il convient de pouvoir s’assurer que la personne en charge de plus de la moitié de l’instruction soit à même de répondre aux besoins éducatifs particuliers des enfants le nécessitant. Il est ainsi prévu de requérir au moins un titre du secondaire II de type CFC, maturité, diplôme de culture générale, ou un titre jugé équivalent par le département.

Pour atteindre le même objectif qualitatif, il est demandé également que les personnes désignées pour être en charge de l’instruction aient une disponibilité suffisante pour garantir la mise en place effective du programme présenté.

Par ailleurs, en référence à la notion d’instruction suffisante prévue à l’alinéa 2 de l’article 21 de la LEO, le programme d’enseignement fait l’objet d’un examen par le service qui s’assure que ce dernier tient compte des programmes officiels de l’école publique vaudoise ; à savoir que les objectifs d’apprentissage sont couverts de façon équivalente. La nuance terminologique introduite ici en mentionnant que le programme doit tenir compte des programmes officiels (et non uniquement les prendre en compte comme c’est le cas pour les écoles privées) indique la volonté de prévoir un lien plus étroit au plan d’étude, en particulier par rapport au respect des années de programme prévues par le PER. Les objectifs globaux d’apprentissage font référence aux objectifs d’apprentissage du PER – posés tant pour la formation générale (santé et bien-être, choix et projets personnels, vivre ensemble et exercice de la démocratie, interdépendances sociales, économiques et environnementales) que pour les domaines disciplinaires (français, mathématiques et sciences de la nature, sciences humaines et sociales, arts, corps en mouvement et éducation numérique) – et aux visées générales des capacités transversales (collaboration, communication, stratégie d’apprentissage, pensées créatrices, démarches réflexives). Un formulaire sera établi afin d’identifier les informations liées au programme à remettre pour obtenir l’autorisation d’enseignement à domicile, auquel il conviendra d’ajouter la grille horaire hebdomadaire et la désignation de la langue principale d’instruction.

Enfin, deux cautèles importantes sont apportées. L’instruction du français, minimalement en tant que langue seconde, devient obligatoire, y compris pour les enfants du cycle 1, afin de garantir les possibilités de socialisation et d’intégration, voire de formation future, évoquées ci-dessus. Il s’agit d’un point important vu qu’un nombre non négligeable de familles scolarisent leur enfant dans une autre langue. La nécessité d’enseigner l’allemand et l’anglais en qualité de langues étrangères, pour autant que ce ne soit pas la langue d’enseignement, est exigée –principalement pour qu’un retour à l’école publique et la poursuite de la formation postobligatoire en Suisse puisse être envisageable dans des conditions adéquates. Des activités régulières de socialisation avec des pairs en dehors du contexte familial sont également exigées dans le but de permettre à l’enfant de développer les compétences sociales prévues dans le PER, de réduire le risque d’isolement et finalement de répondre à ses besoins sociaux.

L’instruction doit par ailleurs être adaptée pour tenir compte des enfants concernés, en particulier ceux ayant des besoins éducatifs particuliers relevant de la pédagogie spécialisée. Les objectifs peuvent être adaptés pour l’enfant qui n’est pas en mesure d’atteindre ceux du programme d’enseignement. Ces adaptations sont envisageables au cas où elles sont nécessitées par les difficultés avérées des enfants (et non dues à des lacunes de l’instruction) et doivent être validées par le service.

L’alinéa 2 fait référence au décret d’application de l’article 12bis de l’accord intercantonal sur la reconnaissance des diplômes de fin d’études (A‑RDFE), lequel autorise les parents qui engagent ou mandatent des personnes en charge de l’instruction à s’assurer que ces dernières ne figurent pas sur la liste intercantonale et ne soient ainsi pas interdites d’enseigner.

L’alinéa 3 précise que ces conditions s’appliquent également en cas d’utilisation de programme d’enseignement à distance. Dans ces cas en effet, il est particulièrement important que les enfants puissent bénéficier d’un encadrement spécifique stimulant, par une personne suffisamment disponible pour garantir le suivi de l’entier du programme, vérifier la « présence » des enfants aux cours, s’assurer des apprentissages réalisés et, le cas échéant, offrir le soutien opportun, notamment pour des enfants ayant des difficultés. La garantie de mise en place de mesures de socialisation a également toute sa place dans ce contexte.

Article 9b Surveillance de l’enseignement à domicile

La surveillance exercée par le service vise à s’assurer que les conditions posées à l’article 9a sont respectées. Il est important de pouvoir retirer l’autorisation en cours d’année lorsque l’insuffisance est avérée, sans attendre la fin de l’année scolaire. Cela évite que le retard scolaire de l’enfant augmente inutilement ou que l’enfant se retrouve isolé sur une durée trop importante. Le droit d’être entendu est garanti.

Comme pour les élèves des écoles privées, il est prévu que la surveillance de la dimension pédagogique s’exerce notamment par des examens, comme c’est le cas aujourd’hui déjà.

Article 10 Plateformes de coordination

La commission consultative de l’enseignement privé n’est plus nécessaire, dès lors que sa tâche principale – préaviser les demandes d’autorisation d’enseigner – disparaît. Aussi, elle est remplacée par une plateforme permettant aux acteurs et partenaires concernés de rencontrer le département dans des buts de consultation, d’échanges et de collaboration. Une plateforme sera également créée pour l’enseignement à domicile, vu le nombre important d’enfants concernés (actuellement 850) et la demande émise dans ce sens par les associations de parents.

Article 14a Dispositions transitoires

Ce nouveau dispositif légal implique l’introduction de dispositions transitoires.

Il en est de même pour les parents qui dispensent l’enseignement à domicile depuis au moins 3 ans. Ils pourront être autorisés même s’ils ne remplissent pas les compétences requises jusqu’à la fin du cursus de leurs propres enfants, pour autant qu’il n’y ait pas de lacunes dans l’instruction constatées lors des contrôles.

Enfin, l’enseignement à domicile annoncé avant l’entrée en vigueur de la présente loi sera régi par la loi actuelle, il est admis en effet qu’il n’est pas possible d’exiger a posteriori des exigences qui ne sont pas connues au moment du dépôt des demandes.